André Preschel,13 janvier 2023
Le grain avaient été semé, le blé avait poussé,
La récolte engrangée dès le champ moissonné.
Les jours étaient longs et le travail dur,
Mais nous savions suer pour un avenir sûr.
Le soleil s’attardait encore, les nuits restaient douces.
Les enfants jouaient dehors sous le regard de nos douces.
Nous attendions sereins la trêve et l’hiver,
Quand sont venus la foudre et l’enfer.
Ils sont apparus criant sur leurs montures fumantes,
Terrorisant faune, flore et toute vie environnante.
Arrivant chez nous ils ont mis pieds à terre,
Et le regard fou, on brandit haut leur cimeterre
En quelques cris ils mirent le monde à l’envers.
Nous devions être punis d’avoir pillé leur terre.
Le grain était à eux. Il n’y avait rien à faire.
Se battre ? Mourir ? À quoi bon faire ?
C’est le prix à payé ont–ils dit. C’est la rançon de
la guerre.
Et on a payé. Le crédit, le solde, on s’est laissé faire,
Puis on est parti.
Les digues de pêche étaient fortes et embrassaient la mer.
Les poissons en cohorte s'y risquaient tête la première.
A chaque recul des vagues nous descendions la plage
Pour mettre fin aux zigzags des proies aux points de captage.
Quel que soit le temps, le jour et la nuit, sous le soleil ou la lune
La main dans la main, voisins, frères et amis, les uns et les unes
Nous partagions le peu et le meilleur, le feu et les sourires,
Quand ils ont hissé leur couleur pour nous annoncer le pire.
Ils venaient de la mer qui nous nourrissait jusqu’alors,
Ils faisaient fumer les entrailles de leurs vaisseaux de tous bords
Ils pulvérisèrent nos murs de pêche et nos pauvres sources de vie
Et plantant dans le sable dur un drapeau ils se l’approprient.
Alors avec quelques écrits ils nous mirent les fers.
Nous devions être punis de ne pas être leurs frères.
La cause était entendue. Il n’y avait rien faire
Se battre ? Mourir ? À quoi bon faire ?
C’est le prix à payer ont-il dit. Pour la croix et la
bannière.
Et on a payé, le tout, le solde, on s’est laissé faire,
Après du temps,
Nous aussi, nous avons trouvé un bateau. On a osé prendre la mer.
On a donné ce que l’on avait de plus beau, ce que l’on avait de cher.
On est parti en emportant le peu de ce qu’il nous restait d’espoir.
Un cabas ventripotent, des riens utiles et poétiquement dérisoires.
Il fallait être riche comme un roi pour amener avec soi un surplus :
Un parent, un enfant parfois, parfois pas, parfois plus.
Du soleil ou de la mer, quel élément nous brulait le plus la peau ?
Entassés, ballottés, vomissant, tout autour de nous de l’eau.
Aux aguets, naïfs c’est de la mer que nous attendions l’ennemi.
C’est la main d’un ami que nous crûmes sincère qui nous a trahis.
Il prit la fuite avec l’annexe, peu après avoir créé l’avarie,
A l’odieux prétexte d’aller chercher secours en Avanie.
Il n’eut que faire de nos cris, sourd du cœur et de l’âme
Nous n’étions qu’un prix, un habituel énième drame.
Nage si tu sais, loin si tu veux, longtemps si tu peux.
Prie si tu crois, et même si tu ne crois pas : tu peux.
C’est le prix à payer a-t-il dit c’est la dime de la
misère
On avait payé, le tout. Quelques-uns se sont sortis d’affaire,
Puis enfin,
Au bout de la planète, bien plus tard, on est arrivé là.
Là ou on ne devait pas être. Là on ne nous attendait pas.
Là où vit cette civilisation. Celle qui abreuve les océans.
Celles dont la mode brode les cœurs d’or et d’argent,
Où les chiens crèvent moins de faim que les indigents.
Celle qui nous a mis sous les fers, nous a limé les dents,
Pour nos voler nos mers, nos terres et nos diamants.
Celle qui viole les femmes, embrigade les enfants.
Celle qui pense les hommes en couleurs et hors du temps.
Celle qui encore et toujours impunément nous ment.
Celle-là même, que nous pensions servir avec élan,
Qui du courage fait une insulte et nous traite de migrant.
Celle des hommes qui par écrits nous accordent les galères,
Voir la prison ou le pire un retour gratuit vers le cimetière.
Qui raisonnablement généreux se mettent à danser la ronde
Autour de la terre pour continuer à faire tourner le monde.
C’est le prix a payé ont–ils jugé. C’est la faute à pas de chance.
Mais on a déjà payé, le tout, le solde et on a payé d’avance
C’est le prix a payé ont il dit en appel. Trouvez là nos honoraires
Mais on a déjà payé, plus d’une fois et payé cher
Maintenant on rend la monnaie, plus rien n’est offert.
Il faut que le monde ne tourne plus à l’envers.
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